Il y a quelque chose d’incroyablement paisible dans la nuit. New-York ralentit le rythme. New-York change de visage. On a beau dire, la ville se transforme une fois le soleil disparu. La seule lumière est artificielle et avec elle, impossible de bronzer. Mais surtout, c’est la nuit que tout semble possible. Tous les rêves ont l’air réalisables. Tous les projets semblent faciles. Tous les objectifs sont atteignables. La nuit, on se sent puissant, on sent invincible. C’est probablement pour cela que les voleurs agissent la nuit. Pas juste parce qu’ils sont plus discrets. Surtout parce qu’ils ont l’impression que la ville leur appartient. Comment le leur reprocher ? La nuit, c’est le territoire de tous ceux qui se sentent délaissés. La nuit, c’est le moment où chacun peut faire ce qu’il souhaite. Pendant que les gens normaux rentrent chez eux pour nourrir Brenda et Ken, les enfants, les laissés pour compte peuvent enfin vivre leur vie. Ils peuvent enfin prendre possession des rues et gagner leur vie. Comme s’il y avait deux mondes. Comme s’il n’y avait pas d’autre moyen de faire cohabiter ces modes de vie. C’est triste à dire.

Max en est là dans ses réflexions. Assis au bord d’un toit, les jambes dans le vide. Il pourrait rester ici pendant des heures. Mieux encore, il pourrait déménager son matelas jusqu’ici. Rien que pour dormir avec une vue sur New-York. Ce serait quand même le top. D’ici, il a l’impression de voir toute la ville. D’ici, il a le sentiment qu’il peut aller n’importe où, n’importe quand. Il oublie la misère, il oublie l’alcoolisme, il oublie tout. Il n’y a que New-York et lui. Un tête-à-tête étrange. Et en fond sonore, il y a les sirènes des pompiers, les conversations des fêtards, les télévisions trop fortes. Un brouhaha rassurant. Il lance un coup d’oeil à sa montre. Il faut qu’il se bouge. Sinon, sa frangine va s’inquiéter. Et avant de rentrer, il a encore une petite mission qui risque de lui prendre du temps. Il ne faut pas perdre une minute. Il arrache son sac du sol et se relève. Il suit le bord du toit, tel un funambule, jusqu’à rejoindre la porte de sortie. Cet immeuble est son terrain d'observation préféré. La porte du toit n’est jamais fermée. Il peut s’y rendre quand il veut. Personne ne vient le faire chier. D’ailleurs, à voir les joints qui trainent dans le coin, on ne risque pas de lui reprocher sa présence.

Il se tape les escaliers au pas de course, avant de rejoindre la vie nocturne new-yorkaise. Il prend la direction d’une rue déserte la nuit, mais vivante le jour. Raccourci entre deux rues parallèles. L’endroit parfait. Il retire son sac-à-dos pour en sortir son attirail. Pas d’armes, mais des bombes de peinture. Du rouge pour marquer les esprits. Du jaune pour attirer le regard. Du noir pour jouer sur les reliefs. Il dépose son sac dans un coin. Il a besoin d’espace. Il sait ce qu’il va faire. Une adaptation de Guernica. Ou disons, une mise à jour du tableau. Sûrement pas aussi réussie que la version de Picasso, mais le mec travaillait à l’ancienne. Les personnages ne seront pas des victimes de la guerre espagnole, mais des mutants victimes de la connerie humaine. Il a croisé cette oeuvre au détour d’un livre d’histoire de sa soeur. Ca lui a semblé être une évidence, même s’il n’a pas la même aisance pour l’art. Il aura au moins essayé. Il aura au moins fait son acte militant.

Sous ses gestes, un fond noir se dessiner. Dessus, des formes se découpent. Des silhouettes se dessinent. Il s’arrête un instant. Il recule de plusieurs pas. Il en a besoin pour prendre conscience de la réussite ou de l’échec de son graffiti. Pour le moment, ça va. Il est plutôt fier. Il est sur le point de reprendre son oeuvre lorsqu’il est interrompu. Une voix. Y a quelqu’un. Bordel. Il reste immobile, à l’affût. Il retient sa respiration, comme si une expiration pouvait le trahir. On ne sait jamais qu'il s'étouffe avec de l'oxygène. Peut-être que ce n’est rien. Une fausse alerte. La personne va se casser et lui foutre la paix. Il y a quelque chose dans la voix qui lui semble familier. Sûrement une illusion. Avec l’écho et la distance, les sons semblent déformés. Ce ne serait pas étonnant que la personne lui soit totalement inconnue. Alors, il patiente. Tendu. Prêt à déguerpir, en cas de besoin. Il se crispe davantage en voyant… un mec descendre des toits. Tranquille, pépouze, en toute décontraction. Avec une toile. Une toile d’araignée. Un mec dans un costume moulant. Attendez… Est-ce que ce serait pas… ? “C'est tout ce que tu voulais savoir ?” Putain de merde de crotte de Hulk ! C’est la voix de Peter Parker. Spider-man et Peter Parker ? Naaaaaaaah. Ce n’est pas la même personne. Impossible. Max se rapproche pour mieux observer l'individu. Bon sang. C’est lui. C'est Peter. Enfin, c'est Spider-Man. Et là, il n’y a pas de doute. Parce que le super-héros n’a même pas son masque. Okay, okay, okay. Tout. Va. Bien. Son pote d’enfance est un super-héros. Pfffuuu, ça arrive à tout le monde, voyons. C’est riiiien.

Max finit par fermer la bouche. Non parce qu’il commençait à avoir l’air con, la bouche ouverte et les yeux exorbités. Il ne s’attendait clairement pas à ça. Pas du tout, même. Peter, c’était pourtant le gars normal, sympa, qui se faisait tabasser à l’école… Du moins, ça l'était jusqu'à ce qu'il se découvre l'aisance d'un ninja… bordel ! C’est SPIDER-MAN ! Depuis longtemps ! Et même pas, Peter le lui a dit ! D’où on cache ce genre de secrets, hein ? Okay, il faut que Max se la joue décontracté (bwooorf, tous mes potes sont des super-héros. Encore hier, j’ai bouffé avec Thor.). A moins qu’il ne fasse le gars vexé (QUOI ? Tu ne m’as jamais fait essayer ton costume super-moulant… attends, tu portes quelque chose en-dessous, au moins ?). Merde, quelle attitude on est censé avoir, dans ces moments-là ?  “Ouais ouais, ok Tante May, il faut que je te laisse, à tout à l'heure !” Ouais, tante May, y a des trucs plus importants ! Genre, les pouvoirs de votre neveux. Ca, c’est un gros dossier qu’il faut traiter. Et tout de suite, maintenant. Illico presto. Vu la tête de Peter, il ne semble pas super heureux de partager son secret. En même temps, fallait être plus discret, mec ! Ne jamais retirer son masque, bordel. Ca doit bien être écrit dans le guide du super-héros, non ? Y en a un, de guide, au moins ? Est-ce que Max peut le lire, diiiites ?

Max esquisse un petit geste de la main en guise de salut. Il est encore sous le choc. Attendez, vous parlez d’une surprise ! Le mec a carrément une double-vie. Une double-vie tellement badass ! Faut que Peter lui raconte tout. Dans les moindres détails. Max veut TOUT savoir. “Max ! Hey Max ! Comment ça va, ça fait un p'tit moment !” Effectivement, mon gars, ça fait un moment. Et visiblement, des choses ont changé depuis la dernière fois. Autant, Max est resté le même ; autant, Peter est devenu amoureux des tenues moulantes… et des araignées. Y en a un qui est devenu bizarre et l’autre qui a su rester normal. Je ne vous dirais pas lequel est le plus bizarre des deux. “Oooooh oui, m’en parles pas ! On a bien changé, toi et moi...” Hochement de tête, sourire aux lèvres, mouvements de sourcils. En mode “tu vois ce que je veux dire, monsieur le super-héros”. Il a envie d’exploser de rire. Une envie débordante, en fait. Il réalise que son pote se glisse dans une tenue moulante (et sûrement très très serrée) pour botter le cul des vilains pas beaux. Autant dire que niveau street cred’, il n’est pas au top. Mais c’est Peter, un bon gars. Alors, Max ravale son fou rire. Faudrait pas vexer Spider-Man. Il pourrait bien avoir besoin de lui un jour ou l’autre.

“J'aurais jamais pensé te croiser ici, dans cette...” Dans cette ruelle, alors que Peter est dans une tenue extrêmement pas valorisante pour ses bourrelets ? Mouais, Max non plus ne pensait jamais croiser Peter dans ce genre de tenue. Pourtant, regardez-les. Les voilà. De belles retrouvailles, n’est-ce pas ? Pour un peu, Max le prendrait dans ses bras pour le saluer, mais le costume de Peter le refroidit un peu. Beaucoup même. Ils vont rester à bonne distance l’un de l’autre. C’est une bonne idée. “Rah nan ! T'as découvert mon secret ! Bon ok ok, j'avoue tout, je suis un fan invétéré du cosplay. Et de Spider-Man. J'aime bien me déguiser en lui, c'est un peu mon modèle... Je pensais que personne n'aurait jamais trouvé, mais... ” Peter le prend vraiment pour un con. Vraiment. En même temps, Max a une tête de con. Et Peter a toujours été le plus intelligent, alors pas étonnant qu’il essaye. Sauf qu’il se trompe. Déjà, il est mauvais comédien et surtout, Max le connaît assez bien. Enfin, il le connaissait. “Aaah putain… tu me rassures ! Pendant trois secondes, j’ai cru que tu sortais d’un club libertin et que tu avais fait des folies avec ton corps. Mais c’est vrai que le passionné de cosplay est une théorie plus… réaliste.” Allez, si ça fait plaisir à Peter de croire que Max ne sait rien, il va faire un effort. Il va jouer le jeu. C’est ce qu’on appelle être un bon pote, vous voyez ?

Max se rapproche davantage. Il est curieux. Après tout, il a le droit de montrer son intérêt pour ce magnifique costume de Spider-Man que Peter a probablement cousu avec ses propres petits doigts. Mais bien sûûûr ! Vous ne saviez pas qu’à l’école, on l’appelait le Karl Lagerfeld du cosplay ? Maintenant, vous savez ! “Je peux… ?” Il n’attend pas plus la réponse. Il pose la main sur le bras de Peter pour apprécier le tissu du costume. C’est étrange. Attendez PAUUUUUUSE. Il touche le costume de Spider-Man. Il ne pourra plus jamais se laver les mains de toute sa misérable vie. A moins qu’il ne vole le costume… Rester en bon terme avec un super-héros en volant son costume n’est peut-être pas la meilleure méthode. “Wooow, ton costume est vraiment super ! Enfin, j’veux dire pour du “cosplay”.” Il adresse un clin d’oeil appuyé à Peter. Bon okay, il n'arrive pas à garder son sérieux et à jouer la comédie. Il trépigne à l’idée que Peter soit un super-héros. Et presque un Avenger, non ? Il doit connaître des tonnes de héros ! Bon okay, en contre-partie, il risque sa vie. Ce qui n’est pas tout à fait enviable, on est d’accord. Max finit par retirer sa main du costume. Il recule d'un pas, prenant ses distances. Sinon, il risque de peloter le costume (et donc, Peter avec). Il préfère encore éviter.

Il s’éloigne du héros pour rejoindre son sac-à-dos. Ranger ses affaires avant d’être repéré, tout ça, tout ça. Sauf qu’il a autre chose en tête, le petit Max. Le sourire malicieux sur ses lèvres le prouve bien. Il s’accroupit devant son sac. Il commence à y placer ses affaires lentement, tranquillement. Et puis, tout s'enchaîne. “Excuse-moi, tu peux juste me tenir ça ?” En une seconde, il se retourne et balance la bombe de peinture dans les airs. En visant, bien entendu, le visage de Peter. Quoiii ? C’est juste pour voir… et tester ses réflexes. Et le voir utiliser sa toile. Okay okay, ça va ! Ca ne se fait pas, il le sait. Il n'y peut rien. Sa maman ne lui a pas appris comment se comporter avec des super-héros ! De toute manière, si Peter a vraiment des pouvoirs, il s’en servira pour ne pas être assommé par une bombe de peinture, non ? Alors, où est le mal ? Nulle part, voyons. Un véritable ange !

C’est LA nouvelle du soir ! Max va pouvoir se promener dans la rue et dire à qui veut l’entendre qu’il a vu Spider-Man être nul en sport. Hé ouais ! Un miracle. Une chose que plus personne ne pourra dire. Haaan ! Max doit même avoir des photos dossiers dans les yearbooks… Il collera un masque par-dessus pour garder son identité secrète, évidemment. Juste avant de les envoyer anonymement à tous les journaux. Muhahahaha. De toute manière, qui arrivera à reconnaître le petit Peter ? Il a bien changé depuis le lycée. Et si ça se trouve, il est devenu méga poilu. Aussi poilu qu’une araignée. D’où le nom. On hésitait avec Spider-Man ou Yéti-Man. Le premier sonnait plus vendeur, vous voyez ? “J'ai mis du temps à le faire ! J'ai essayé plusieurs modèles et celui-là m'a vraiment plu, mais je t'avoue que ça m'a coûté cher. On dirait le vrai, non ?” Ben voyons ! Bien sûr qu’on dirait le vrai puisque c’est le vrai ! Faut vraiment être con pour ne pas le voir. Et pour croire les mensonges de Peter. Parce que, soyons honnêtes, le mec est vraiment nul en comédie. Plutôt que de suivre assidûment ses cours de sciences, il aurait dû aller en cours de théâtre. Mais Max veut bien le croire. Son costume a dû lui coûter une fortune avant d’en arriver à cette version finale. Comme tout costume de super-héros. Il n’y a que Hulk pour ne pas en avoir un. En même temps, ce serait du vrai gâchis. Vous imaginez ? Il serait capable de ruiner Stark Industries avec tous ses pantalons déchirés.

Mais il y a encore le test ultime. Celui qui va mettre à l’épreuve les réflexes. Celui qui va témoigner des pouvoirs (ou non) de Peter. Bon, okay, Max n’a pas vraiment de doutes. En fait, il n’en a pas du tout. La tête de son pote qui dépasse d’un costume de Spider-Man lui suffit amplement. Donc, l’attaque à la bombe de peinture est juste pour le faire chier. Aussi parce qu’il est sadique. Oui, il est comme ça. Il a un petit fond connard. Quoi ? Il l’assume ! “Et toi ? Qu'est-ce que tu fais ic-” Oups, pardon ! On t’a coupé la parole, mon pauvre Peter ? Ce n’était pas du tout volontaire de le surprendre, voyons. Nooooooon. Max plaide non coupable ! Un grand sourire explose sur son visage quand il voit la main parer la bombe à une vitesse surhumaine. Il se redresse, son sac-à-dos à la main. Il pointe Peter du doigt, en lançant un “AH AH !” triomphant. Il ne manque plus que le “je t’ai bien eu !” et le combo est parfait. Non, il n’a pas la victoire discrète. Si vous voulez tout savoir, il se laisserait bien tenter par une petite danse. Après tout, y en a qui hurle de joie, qui rit de joie. Lui, il a bien le droit de danser de joie. Hé oh, ne vous moquez pas, sinon il vous envoie son super-pote Spider-Man ! Vous allez vous prendre une bonne toile dans la tronche, vous rigolerez moins, non mais !

“Je...” Je rien du tout, mon cher ami. Max l’a démasqué. C’est tout. Faut s’avouer vaincu. Peter a trouvé plus fort, plus malin, plus intelligent, plus malicieux, plus audacieux… Hmm, modestie, modestie. Peter a trouvé plus malin que lui. Voilà, là, c’est bien, c’est humble et modeste. Oui, je parle seul et alors ?! Je vais de nouveau vous envoyer Spider-Man, vous allez voir ! Max ne capte pas tellement ce qu’il se passe. Il est… happé tout contre Peter, alors que des gens arrivent dans la ruelle. Okay, le mec ne veut pas qu’on connaisse son visage, mais quand même ! Il aurait suffi de mettre son masque sur sa tête : 1/ C’est beaucoup plus simple 2/ Ça a le mérite de cacher sa coupe complètement décoiffée. Max n’est pas coiffeur, mais il peut déjà dire que l’audace capillaire de Peter est digne d’une peine de mort 3/ Ils auraient évité d’être collés-serrés. Ce n’est pas parce que Môsieur a l’habitude de se coller à toutes les personnes qui passent, sous prétexte de les sauver, qu’il doit en faire de même avec Max. Hé oh, il n’est pas un homme facile ! Comment dire gentiment à Peter que non, le corps à corps n’est pas trop son truc ? Hey, Bro, je sens un peu trop tes muscles, si on pouvait s’écarter ? Peter, est-ce que tu te promènes avec un manche à balai ? Hm ? C’est tout à fait plausible si le mec est passionné de nettoyage, voyons. Vous n’avez jamais vu de super-héros faire le ménage après avoir déglingué quelques méchants ? Hé bien, il faut mieux vous renseigner !

Max est prêt à protester et à réclamer une certaine distance de… sécurité. Peter lui coupe toute envie de l’ouvrir d’un seul geste. Okay, ils vont rester dans cette position gênante pendant que ces mecs font… hey, ils font quoi là ? Faut qu’ils enlèvent leurs sales pattes de cette pauvre femme ! Il est sûr qu’elle n’a rien demandé. Faut pas être un génie pour le voir. Il est rare de discuter avec une personne, tout en la touchant gentiment avec un couteau et en lui caressant la bouche, hein. A moins d’être chelou. Vous êtes chelous ? Peter tisse en trois secondes (bon okay, quatre secondes) un petit nid douillet pour Max. Ce dernier s’y installe. Il prend ses aises comme chez lui. Il pourrait caser une cuisine ici et oh ! son lit pourrait parfaitement aller dans cet espace vide. Comme ça, en se réveillant, il se casserait la gueule et ne pourrait plus se recoucher ! Pour l’heure, ce n’est pas lui qui va se casser la gueule, mais ces abrutis en-bas. Max est condamné à regarder. Il est doué en équilibre et en acrobatie, mais pas au point de sauter de cette hauteur. Surtout, il n’a aucun réflexe surnaturel. Pour sa sécurité (et celle de Peter), il vaut mieux qu’il reste là. Quoique, il pourrait aider en crachant sur les gars ? Le premier héros qui crache. Il se ferait appeler Crachat-Man. Il voit déjà les titres des journaux : Crachat-Man et Spider-Man font régner l’ordre sur New-York City ; Crachat-Man a sauvé un enfant d’une peau de banane ; Crachat-Man a tenu le parapluie d’une grand-mère pendant qu’elle fouillait dans son sac. Pas de doute, des heures de gloire attendent Max !

Bon, sinon, pendant qu’il revâsse, Peter est en train de faire le job. Il fait le show en frappant le premier agresseur. Vous croyez qu’il fait des étirements avant de partir botter des culs ? Ce serait pas mal. Il pourrait se faire mal, sinon ! BOUM ! Le coup de boule magique ! “YEEAAAAAH ! BIEN FAIT POUR TA GUEULE !” Son enthousiasme est coupé par sa perte d’équilibre. L’espace d’un instant, Max a l’impression qu’il va tomber. Mais il se rattrape à la toile avec autant d’élégance qu’un éléphant. Il s’en fout. Y a son pote qui fait des miracles ! Max, premier pompom-boy officiel de Spider-Man. Il en faut bien un ! Par contre, y a pas moyen qu’il se trimballe avec des pompons et des vêtements serrés. No way. Il ne mettra pas non plus de costume de mascotte. Hors de question.

Sans y prendre garde, Max se sent tiré vers le haut. Il est embarqué de force par Peter. Les voilà d’un coup sur le toit de l’immeuble. Le transport en commun le plus rapide de New-York. Encore plus rapide et remuant qu’une attraction. “Je… crois que j’vais vomir.” Son estomac se contracte dangereusement. Une drôle de boule bloque sa gorge. Sa main se pose instinctivement sur son ventre. Allez, mec, tu vas ravaler ton sandwich au thon. Il était bon, ce serait dommage de le servir à Peter, à moitié digéré. Il lui faut deux respirations pour s’en remettre. Bientôt, Max est prêt à reprendre le cours normal des choses. Enfin, si c’est possible après avoir vu Spider-Man combattre. “Ok, je... Ouais, je suis Spider-Man... Mais surtout, tu ne dois le dire à personne Max ! Crois-moi, c'est pour ton bien !” Alleeeeez ! La voilà la vérité ! Peter a enfin arrêté de jouer la comédie. Il a quand même fallu qu’une femme se fasse agresser pour que le miracle opère ! Peter devrait avoir honte, bouuuuh. “Nooooon ? Sans blague ?! Je ne m’en étais pas du tout rendu compte !” La carte de l’ironie, ça marche toujours.

Il a un sourire accroché aux lèvres. Il n’arrive pas à s’en défaire. C’est un peu Noël, aujourd’hui. Sauf qu’ils sont en plein été et que Peter n’est pas habillé en Père Noël. “En tout cas, ça me fait vraiment plaisir de te revoir. Qu'est-ce que tu es devenu toi ?” Bworf, trois fois rien, il prend des photos pour une détective privée super forte, il vend de la drogue quand il n’a plus de fric et il tague des murs. Une vie biiiien ennuyante. Parlons plutôt de celle de Peter ! Ah oui, parce que s’il croit s’en sortir comme ça, il se fourre le doigt dans l’oeil. Bien bien profond. Si Max a bien une règle dans sa vie, c’est celle-ci : ne jamais parler de lui quand son pote du lycée s’avère être Spider-Man. Hm ? Non, je ne viens pas d’inventer cette règle. Je ne vois pas du tout ce que vous insinuez. “Quoi ? Mec, crois-moi, tu ne vas pas t’en tirer comme ça. On va pas aller boire un café et rattraper le temps perdu après ce qu’il vient de se passer. C’était… OUF !” Y a pas d’autre mot. Ouf. Ou fou pour les plus vieux. C’était démentiel. Tout est allé tellement vite. Les gars n’ont même pas eu le temps de faire dans leur culotte en dentelle. Ca a duré… quoi ? Cinq minutes ? Même pas !

Max ne tient plus en place. Il se balade sur le toit, faisant des allers et retours. Trop de choses se passent dans sa tête. Elle va sûrement exploser. Est-ce qu’il y a de la fumée qui sort de ses oreilles ? Est-ce qu’il est tout rouge ? Aaaah, mais non, faut pas s’inquiéter, parce que Spider-Man est là. Il va tous les sauver. Enfin, peut-être pas. Enfin, qu’est-ce qu’on en sait ? Après tout, il n’était pas là quand les Powell ont essayé de faire du pop corn dans une casserole et que ledit pop-corn a commencé à cramer et à sauter de tous les côtés dans le studio. “Comment tu fais ? J’veux dire : comment tu fais pour tisser tes toiles ? Elles sortent d’où ? Tu as un espèce de réservoir ?” Ce n’est que la première question d’une graaaaande liste. Il y a celle-là, mais aussi comment il en est arrivé là, comment il fait pour être aussi souple, comment il a fait son costume, qu’est-ce que ça fait de bruncher avec Thor et Wolverine tous les dimanches, comment il fait pour gérer la canicule sous son masque, est-ce qu’il pue des pieds (celle-là, c’est pour la blague), est-ce qu’il compte rejoindre les Avengers pour la guerre qui arrive, qui est au courant pour sa double-identité… Ah oui, et celle-ci : “Entre nous, t’es aussi poilu qu’une araignée ou pas ?” Celle-ci, c’est du bonus. Une petite blague. Il s’est même arrêté de déambuler tel un mannequin stressé et accro au crack pour poser cette question. La lueur amusée dans ses yeux le trahit. Il n’est pas sérieux. Pas le moins du monde. M’enfin, tout le monde le sait ! Spider-Man a rendez-vous chez son esthéticienne tous les mercredis pour faire la complète. Même le maillot ! (Surtout le maillot).

Beaucoup. Trop. D’excitation. Il y a une différence entre avoir un pressentiment et voir la réalité. Et là, bordel ! Quelle réalité ! Mais regardez-le : où est passé le petit Peter Parker qui se faisait cogner dans les couloirs de l’école ? Qui l’aidait à faire ses devoirs ? Allez, quoi ! Il doit encore être quelque part. En fait, il est encore là. Juste, ce ne sont plus des gamins pré-pubères qui lui font la misère, mais des gens extrêmement forts, extrêmement méchants et extrêmement mortels. Légère différence, voyons. Ah oui ! Et généralement, tout New-York est en danger. Rien de bien méchant. Sauf que maintenant, Max ne peut même plus prétendre pouvoir l’aider. A l’école, il pouvait se battre avec ses petits poings et ses coups de pied bien sentis. Face à des super-vilains, un petit coup de poing ne sert à rien. C’est même suicidaire. Et puis, si il ose revenir avec un minuscule os fissuré, sa soeur risque de le frapper à coup de balai et de l’enfermer dans les toilettes. Oui, sa cadette est terriblement effrayante.

“Oh ça ? Ouais, j'ai fabriqué des sortes de réservoir et j'ai juste à enclencher  le système pour libérer une toile. Plus j'appuie et plus elle sera longue. Les toiles sont de ma conception ! J'aimerais bien te montrer là, mais à vrai dire, il faudrait que je retire le costume et...” Des réservoirs, quel génie ! Il a toujours été plus intelligent, plus logique, plus tout. Il a même été assez intelligent pour avoir des pouvoirs, ce mec. Ou alors, il a été assez con. C’est selon les avis. Sérieux, faut être incroyable con pour être heureux d’avoir des pouvoirs, non ? Avec tout ce que cela implique (la possibilité de crever dès qu’on met le moindre orteil dehors, les méchants qui veulent ta peau…). Autant, Max est heureux de voir que Peter a des pouvoirs et qu’il se la joue araignée humaine. Autant, il ne le jalouse pas du tout. Sa vie est merdique, mais pas au point de vouloir crever pour une société pourrie. Attendez, pourquoi il lui demande si il a des réservoirs ? Mais on s’en bat les steaaaaaks. Y a des sujets deux fois plus intéressants… Comme sa pilosité. Hé ouais. On parle trop souvent des problèmes de beauté des super-héroïnes. Et pourquoi pas de ceux des hommes, hein ? Parce que Peter doit en avoir plein, des poils. Il pourrait sûrement en faire une perruque ou les revendre à une association. Mais oui ! On tient un truc, là.

Oh wait, wait, wait! Il fait quoi, là, Peter ? Il se déshabille ? Y a trois secondes, il faisait le pudique et ne voulait pas retirer son costume. Alors, dès qu’on parle de poils, il y a un truc qui se débloque chez Peter et il se transforme en strip-teaseur. Okay, c’est bon à savoir. Merde ! Qu’est-ce que je dis ? Non, ce n’est pas bon à savoir ! “Imberbe comme un gamin, à mon grand malheur.” Oooh shit, donc pas de dons pour les associations. Elles vont être attristées ! Bon, okay, c’est triste aussi pour Peter, mais quand même ! Ces associations auraient pu… faire des colliers de poils, créer des barbes de Père Noël, concevoir des guirlandes. Qui sait ? Ils sont bien capables de faire des miracles avec des rouleaux de papier toilette ou des bouchons de bouteille ! “Mon pauvre, t’as vraiment une vie horrible ! Mais genre, t’as vraiment aucun petit poil ?” Même pas au nez ? Allez, tout le monde a des poils au nez. Max ne se propose pas pour mener une expédition dans les cavités nasales de son pote. Y a des limites. Ils peuvent être intimes, mais pas à ce point. Sinon, ce sont les rêves de Max qui risquent d’être hantés par des crottes de nez géantes. So, no way! “J'ai quand même du poil aux pattes, mais rien à voir avec l'araignée.” Aaaah, ben voilà ! Quand il y met un peu du sien, il arrive à se trouver des défauts. MERCI. Peter Park, alias Spider-Man, n’est pas parfait. Génial. Ca va rassurer l’égo de Max. C’est bon, Ego, tu peux essuyer tes larmes et ranger les mouchoirs. Peter a des poils aux bras. La vie est belle, la vie est rose !

Plus sérieusement, Max a le sentiment qu’il découvre un nouveau monde. Il a un pied dans cet univers, maintenant. Il peut poser toutes les questions qu’il souhaite. Il peut… s’inquiéter. Bordel, oui ! Bien sûr qu’il va s’inquiéter pour Peter. Ce mec est complètement suicidaire et cinglé ! Déjà, 1/ il vole à travers les buildings avec sa toile, sans casque ni protection. Qui fait ça ? Il n’a jamais regardé les spots de prévention aérienne. Mais si, vous savez ! Ceux qui montrent quels dommages peuvent causer un building qui traverse subitement la route. 2/ Peter se met en danger. Il fonce tout droit vers les gens qui foutent la merde. Sérieux, quoi ! Il ne peut juste pas rester tranquillement allongé dans sa chambre, à regarder des pornos ou à feuilleter ses encyclopédies chiantes à en crever ? 3/ Il risque le surmenage, avec tout ce qu’il y a à faire dans cette ville ! Il va nous faire un burn-out si il continue à ce rythme. Oui, pas de doute. Max va s’inquiéter. Mais pas maintenant, pas pour le moment. Nooon, c’est bien trop cool ce qu’il se passe ! “En fait, j'ai des poils partout oui, mais ils sont minuscules, tu n'arriveras pas à les voir. Et c'est grâce à ça si je peux m'accrocher. Regarde.” Purée, en fait, il a plein de poils. Il est velu. Ca doit être tout doux au toucher, vous ne croyez pas ? Max ne recule même pas lorsque son ami se rapproche. Il a confiance. Peut-être un peu trop. Après tout, les super-héros peuvent retourner leur veste et vous arracher la tête avec leurs dents. C'est bien connu. “Oh purée… !” Ce mec est collé à son sweat-shirt. Maintenant, Max va se promener avec un Peter collé sur ses habits. Plutôt encombrant comme déco vestimentaire, vous en conviendrez.

Ses yeux éberlués ne quitte pas la main collée. C’est juste impensable ! Impossible ! Le mec a été… transformé. La puberté a vraiment eu un effet étrange sur Peter. Quand d’autres ont la voix qui mue, lui se voit transformer en araignée. Faudra vraiment que Max éclaircisse ce mystère. Non pas qu’il souhaite devenir une araignée géante. Il déteste les araignées. Vous imaginez si il se faisait peur dès qu’il regardait un miroir ? Sa vie se transformerait en enfer. “J'ai appris à contrôler, mais au début c'était pas pratique. J'arrivais pas à détacher ma main des poignées et je te parle même pas de l'embrouille que j'ai eu parce que j'ai arraché le chemisier d'une fille sans faire exprès.” Il éclate de rire. Bon sang ! Il aurait adoré être là pour voir la tête de la fille ! Et celle de Peter. La scène devait être géniale ! Vous imaginez si la meuf était en couple ? Bordel ! Pourquoi il n’est jamais là lorsque c’est drôle ? C’est pas juste ! “Ta tante ne t’a jamais appris qu’on enlevait pas le chemisier d’une femme avant le deuxième rendez-vous ?” C’est pourtant la première règle qu’il aurait dû apprendre. Avec celle de ne pas postillonner sur les gens. Mais ça, c’est une règle bonus. Par exemple, tu peux l’oublier si la personne en face de toi est désagréable. D’un coup, comme par magie, un cheveu te pousse sur la langue et les postillons s’échappent. Technique infaillible pour repousser les gens. Peter a encore bien des choses à apprendre sur les femmes. Faut dire que s'il a totalement adopté le comportement des araignées, ses conquêtes doivent avoir des surprises. D’ailleurs, comment s’accouplent les arachnides ? Il faudra que Max pense à chercher sur YouTube en rentrant. Ben quoi ? Ca doit bien exister, le porno pour les araignées ! Et puis, c’est anthropologique, voyons. Purement scientifique.

Il n’aurait jamais cru imaginer Peter dans le rôle de super-héros. Enfin, vous me direz, c’est souvent ça. Dans la fiche de poste du super-héros, la première ligne indique “ne pas avoir le profil d’un héros”. Cela fonctionne pour Iron Man, pour Captain America, pour Black Widow et pour Peter ! C’est un signe. Un truc de ralliement. Pour mieux surprendre, probablement. Mais maintenant, tout change. Peter est un autre homme qui dévoile tous les secrets de Spider-Man. Si ça se trouve, dans cinq minutes, Max sera complètement dégoûté par le super-héros et ne le verra plus jamais de la même manière. Déjà qu’un mythe s’est brisé, celui du corps entièrement velu. Zut ! C’est ce qui faisait le charme de Spider-Maaan.“ Il suffit d'appuyer là pour l'activer, c'est pour ça que j'ai toujours un signe particulier quand je lance mes toiles. Tu veux essayer d'en tirer une pour voir ?” C’est aussi simple que cela ? Alors, tout le monde peut jouer l’homme-araignée le temps de quelques heures. Peter, la plus grosse arnaque de cette planète !

Tirer une toile ? Il en meurt d’envie. Et en même temps, qui est-il pour se le permettre ? Il n’est que Max Powell, le gamin du Bronx qui n’a pas d’avenir. Il ne mérite pas un tel privilège. Que dalle. Il mérite de cirer les chaussures de Spider-Man, à la limite. Ou de le supplier de le sauver d’une crotte de chien (elles sont traîtres ! Elles vous surveillent sur le trottoir et elles glissent sous votre pied, sans prévenir. Toi-même tu sais.). Il s’éloigne d’un pas, histoire de prendre ses distances avec la tentation. “Noooon, je ne peux pas ! C’est ton truc et je ne suis pas un super-héros…” Une chose est sûre, la conviction ne transparaît pas dans ses mots. Il ne croit même pas ce qu’il dit. En même temps, qui refuserait de tripoter le costume de Spider-Man et de jouer avec ? Je vous le donne en mille : personne ! “Booon, okay ! Je vais le faire.” Il n’aura pas résisté à la tentation très longtemps. Il est faible, que voulez-vous. Peter a insisté. Max l’a vu, dans son regard, dans ses gestes, dans son silence. Bien sûr que si ! Comme il n’aime pas se faire prier, il le fait. Juste pour faire plaisir à son ami. Uniquement pour lui. Quelle bonté ! Quelle gentillesse ! Il éclaircit sa voix, comme si avoir la trachée claire lui permettra de mieux se concentrer. Oui, on fait des trucs cons quand on veut se concentrer. Et ne dites pas le contraire !

Il attrape la manche contenant le réservoir. Il y a une espèce d’appréhension, mêlée à de l’excitation, qui l’assaille. Il touche le costume de Spider-Man et il va tirer une toile. Genre, un truc de super-héros. ce n’est pas donné à tout le monde. A moins que Peter ne fasse la même chose avec toutes ses conquêtes. Merde ! Si ça se trouve, il ne lui autorise à le faire que pour le mettre dans son lit. Oh et puis, tant pis ! Max n’aura qu’à lui mettre un coup de genou dans les parties ou à arracher ses milliers de petits poils avec de la cire pour se débarrasser de lui. Et bim ! Il a les doigts sur le déclencheur. Un espèce de bouton, faut dire ce qui est. Il aurait presque l’impression d’avoir une bombe atomique entre les mains. Heureusement, ce n’est qu’une petite toile de rien du tout. Elle ne peut blesser personne, n’est-ce pas ? Bworf, au pire, la victime perdra un oeil ou sera suspendue dans les airs. Rien de bien méchant. Max n’hésite même pas. Il fonce ou plutôt, il appuie sur le déclencheur. La toile semble sortir de nulle part. Elle finit son chemin contre le mur de l’immeuble voisin. Encore mieux qu’un tag : la toile d’araignée géante. Vous croyez que Peter acceptera de mettre ses pouvoirs à profit ? Allez, quoi ! Il faut bien faire de belles choses pour attirer l’attention. Il ne suffit pas de parader en costume moulant pour y parvenir. “WOW ! C’est juste incroyable ! Ca a fonctionné !” C’est le mot. Incroyable. Il a tiré une toile d'araignée. Voilà. Il peut mourir tranquille. Ce n'était même pas un truc dont il avait rêvé. Il n'y avait même pas pensé. Trop improbable. Trop inconcevable. Et pourtant !

Max rend la manche avant d'avoir l'envie de l’arracher du costume et de partir avec en courant. “Tu devrais te rhabiller, avant que quelqu’un ne voit tes abdos et ne s’évanouisse.” Après tout, personne n’est préparé à voir un mec bien gaulé. Et puis, cela commence à être gênant de discuter avec Spider-Man (ou avec Peter) alors qu’il est torse nu. En-bas, l’araignée ; en-haut, l’homme. Comment voulez-vous qu’il soit sérieux cinq minutes devant une poitrine de bébé ? Et il ne manquerait plus que le mec soit démasqué par une autre personne ce soir. Wesh, on ne vole pas la vedette à Max ! C’est lui qui a su le prem's. Enfin, il croit. En théorie. Qu’est-ce qu’il en sait ? Si ça se trouve, tout le lycée était au courant, sauf lui. La tristesse.

Passons aux choses sérieuses. Les questions plus terre à terre. Les questions qu’il meurt d’envie de poser à son ami et pas juste au super-héros. Ouais, y a deux personnes en Peter. Faut vous y faire ! “Mais comment ça s’est passé ? Tu as changé du jour au lendemain, c’était juste incroyable ! On a cru que tu étais le fils caché de Jackie Chan et que tu avais suivi un stage intensif de self-defense.” Chose impossible, évidemment. Qu’est-ce que Jackie Chan aurait foutu à New-York avec les Parker ? Pas grand-chose. A moins que le mec ne soit passionné de science et compagnie. Et encore. “Combien de personnes le savent ?” Parce que ça aussi, il doit le savoir. Histoire de ne pas faire de conneries. Histoire de savoir. Il ne voudrait pas se pointer chez lui, saluer tante May et lui demander si son cher neveu n’est pas en train d’enfiler son costume d’Halloween, en plein mois de juin. Autant éviter les bourdes le plus possible. De toute manière, il gardera le silence. Il le doit. Sinon, on lui demandera des preuves, des autographes, des photos, des bouts d’ongle, des cheveux. Bref, ça n’en finira pas. Quoique, y a moyen de développer un vrai business… A creuser.

C’est fou. Ce qui arrive à Peter. Ces retrouvailles. Totalement impensable. Ils s’étaient éloignés. Ils avaient pris des chemins différents. Enfin, plutôt, ils étaient restés eux-même. Ils avaient suivi la voie qu’ils s’étaient créées. Peter, dans la réussite. Max, dans l’échec. Il n’a eu pour vocation de faire de grandes études. Il a toujours pensé à une seule chose : survivre. Jusqu’à maintenant, il y est plutôt arrivé. Il a atteint la majorité, ce qui n’est pas donné à tout le monde. Il aurait pu finir sans-abri, avec sa mère et sa soeur. Même s’ils ne roulent pas sur l’or et qu’ils vivent toujours dans leur studio miteux, ils ont un toit. Ce qui est plutôt cool, vous en conviendrez. Surtout qu’il n’a jamais été doué pour créer des maisons en carton ou des tentes avec des draps. Il aurait été bien dans la merde si il avait dû créer un toit de fortune pour se protéger de la pluie. C’est vrai qu’il a survécu. A un tel point qu’il n’a pas le ventre vide quand il se couche. A un tel point qu’il arrive à acheter des stylos et des cahiers pour sa soeur. A un tel point qu’il n’est plus obligé de dealer de la drogue. En tout cas, plus tous les jours.

C’est fou. Oui, complètement fou. Il se rend compte que Peter a grandi, il a évolué, il s’accomplit dans quelque chose qui lui plaît. Il est sorti de son quartier pour voler à l’aide des autres. Max, lui, il fait quoi ? Pas grand chose. Il n’a pas bougé depuis l’école. Il est resté le même gamin. A foutre le bordel. A se complaire dans sa médiocrité. Pas étonnant qu’ils se soient éloignés. Pas étonnant qu’ils aient fini par ne plus se parler. C’est déjà un miracle qu’ils se soient adressés la parole il y a des années de ça. Ils ont toujours été différents. Jusqu’aux pouvoirs. “Eh bah... Je suis allé à une expo scientifique, le genre qui n'intéressait que moi tu sais. J'ai voulu prendre une photo et je me suis fait piqué. C'était une araignée radioactive, rien que ça ! Après ça, c'est allé assez vite et j'ai développé les pouvoirs que tu connais aujourd'hui. Comme quoi, ça m'a servi d'être un nerd. Ou desservi, tout dépends du point de vue.” A l’écouter, tout semble s’être passé… facilement. Hop, au bon endroit au bon moment. Hop, une petite araignée de rien du tout. Hop, elle le mord. Pourquoi lui ? Aucune idée ! Surtout qu’elles sont souvent inoffensives. En même temps, quand on est un génie, ce n’est pas étonnant de subir des miracles. D’un autre côté, le mec est bien dans la merde maintenant. Regardez dans quelle tenue il doit se promener ! Pauvre Peter. “Je savais que j’aurais dû suivre ton exemple et arrêter de faire le crétin. Si ça se trouve, j’aurais un costume d’araignée aujourd’hui !” Il a un sourire amusé sur les lèvres. Ca l’amuse et en même temps, pas tellement. Il se rend compte des responsabilités de Peter. Du poids qu’il a sur ses épaules. De la pression que les gens font peser sur lui. Ce ne doit pas être facile tous les jours. En fait, c'est sûrement rarement facile. Mais il semble bien le vivre. Ce mec est Maître Yoda. Détendu, juste pas vert ni fripé. Et sans les grandes oreilles.

“Il y a certains super héros ou certains... à pouvoir. Les Avengers notamment. Tiens flash info, j'ai rejoint les Avengers il y a peu de temps, tu le sais avant tout le monde.” Hein ? Quoi ? Pauuuuse. 1/ On n’annonce pas comme ça, tranquillement, en passant, qu’on connaît les Avengers. 2/ Encore moins que l’on fait partie de cette team, sans préparer un minimum l'interlocuteur. Peter a la célébrité qui lui monte à la tête ! Il ne se rend même plus compte de ce qu’il dit. Il connaît les Avengers. Bworf, trois fois rien. Ce sont des gens normaux, voyons. Avec des yeux. Des nez. Des cheveux (sauf certains pour qui la calvitie commence à prendre de la place). Et DES FUCKING POUVOIRS. “Les Avengers, mec ! C’est une espèce de super promotion dans le monde des super-héros, non ? Félicitations !” Son pote fait partie de l’élite des super-héros de New-York et du monde entier. Voire de la galaxie. Il ne lui manque plus que le tee-shirt et la casquette à l’effigie des Avengers. Max va s’évanouir, si ça continue. Il apprend beaucoup trop de choses à la fois. Son cerveau va exploser. Il va avoir besoin de le dire à quelqu’un. Mais à qui ? A personne qui puisse parler. Donc, pas d’humain. Et pas d’animaux, non plus. On n’est pas à l’abri de tomber sur un télépathe d’animaux. L’angoisse. Donc, son oreiller ? Les télépathes d’oreiller, ça existe ? Quoique, il doit y avoir des plumes d’oie dedans. Ca compte comme un animal ? Fuck ! Ce monde devient trop compliqué ! Il déteste les mutants et tous ceux qui ont des pouvoirs !

Comment font les autres pour ne pas en parler ? D’ailleurs, ils sont combien à savoir pour Peter ? Tout un fan-club, vous croyez ? “Il y a toi maintenant et... Tante May ne le sait pas. Si tu la croises, surtout, ne dis rien ! Je t'en supplie !” Okaaaaaay. Si Max est le seul à savoir, ça ne devrait pas être difficile de garder le secret. Qu’est-ce que je dis ? Bien sûr que ça va être dur ! Il ne va pouvoir en parler à personne. A personne ! Et vous imaginez quand les gens vont critiquer Spider-Man devant lui ? Il devra réagir comment ? Même la pauvre tante May n’est pas au courant. D’un autre côté, ce n’est pas si grave. Elle ferait une crise cardiaque sur le coup. “T’en fais pas, ça m’étonnerait qu’elle me demande un jour si je t’ai vu voler entre deux buildings.” D’ailleurs, Peter raconte quoi à sa tante quand il revient avec des hématomes et des os cassés ? Qu’il est tombé dans les escaliers ? Bordel, elle doit croire qu’il est le mec le plus malchanceux de la planète. Elle va finir par l’inscrire à une de ces émissions qui présentent les gens qui ont survécu à quarante accidents de la route. Faut qu’il fasse gaffe ! En tout cas, ce n’est pas Max qui va aller vendre ce secret. Il a beau faire le crétin, les secrets, ça le connaît. Dès son plus jeune âge, il a appris à la fermer. C’est une règle d’or pour ne pas s’attirer des ennuis.

“Y avait Gwen aussi, mais ça l'a…” Il plisse les yeux. Ca l’a quoi ? Crache le morceau, vieux ! Il parle bien de Gwen ? LA Gwen ? Celle dont il était amoureux et qui est décédée on ne sait trop comment ? Merde. Max pose un regard neuf sur son ami. Il ne voit plus seulement l’insouciance et l’excitation de Spider-Man. Il voit aussi la tristesse et la culpabilité de Peter. Ca a dû être atroce. Ne pas pouvoir sauver ses proches quand on est super-héros, alors qu’on sauve tous les autres. La pire chose qui puisse arriver. Max a envie de le prendre dans ses bras, de lui donner une tape dans le dos. Mais aucun geste ne saurait apaiser ses remords. Autant ne pas relever. Autant ne pas réagir. Et laisser Peter continuer. “Et je crois que c'est tout. On peut dire que t'es un privilégié, même si je me suis surtout fait avoir.” Oupsiiiie. Peter lui en vaut, vous croyez ? Il fait la tronche ? Noooon. Et tant mieux ! Cela restera sûrement la plus grande victoire de Max. Celle d’avoir démasqué Spider-Man. Hé ouais ! Qui peut se vanter d’avoir fait la même chose, hm ? Personne ! Il est le seul et l’unique démasqueur de Spider-Man. L’histoire omettra évidemment que le mec s’est présenté sans masque devant Max. Evidemment.

Pas de doute, Max risque de rappeler ce joli épisode à son ami. A la moindre occasion. Il ne va pas se gêner. Peter lui reproche de jouer au con ? Peter pense que Max ne devinera jamais qui il y a sous le masque de Deadpool ? Peter imagine qu’il pourra lui mentir ? Que nenni ! Et pourquoi ? Parce que Max a découvert la double identité de son ami. Aussi simple que cela. “Mais au fait et toi ? Qu'est-ce que tu faisais là avec des bombes de peintures ? Me dis pas...!” Holy shit ! Non non non, il ne faut pas qu’il regarde ! Nooon. “Atteeeends, Peter, ne reg… !” Max essaye de le rattraper, mais le mec a pris de l’avance. Il est déjà en train de regarder par-dessus le toit. Purée ! C’était pas finiiii. Ca va porter la poisse à Max. Ou pas. Il n’y connaît rien, en superstitions d’artiste. Peut-être parce qu’il n’est pas un artiste. Ce qui expliquerait beaucoup de choses. Il attend sagement que Peter se retourne. Remarquez quand même que Max aurait pu le pousser du toit pour mettre à l’épreuve les réflexes de Peter, mais qu’il n’en a rien fait. Parce qu’il est sage. Parce qu’il est gentil. Parce qu'il est un bon pote. Et parce qu’il n’a pas envie de se faire disputer. Hé ouais, il reste un petit enfant terrorisé. D’ailleurs, ça aurait pu être une bonne manière de le démasquer, ça… Il va le noter dans un coin de sa tête. Ca peut toujours servir pour un autre super-héros. “Tu sais, en tant que super héros, je suis censé faire respecter la loi et je devrais te dénoncer aux autorités.” C’est quoi cette blague ? D’où les super-héros doivent absolument faire respecter la loi ? J’suis sûr que Iron Man ne respecte pas les feux rouges quand il vole dans les rues de New-York. Ils sont les premiers à enfreindre les lois !

Et puis, ce n’est qu’un petit tag de rien du tout. On ne le voit presque pas. Enfin, on ne le voit pas si 1/ on n’est pas réveillé 2/ on a de la merde dans les yeux 3/ on se prend un jet de lacrymo dans la gueule 4/ on se prend un coup de poing. Et je vais m’arrêter là. En fait, il n’y a aucun moyen de ne pas voir le graffiti de cinq mètres de long et deux mètres de haut. Tout le monde va le voir. Impossible de le louper. Max hausse les épaules. Son visage se pare d’une moue innocente. “Il n’y a crime que quand il y a flagrant délit, non ? Si ça se trouve, je passais par-là, tu peux pas savoir.” Merveilleuse règle, Max. Vraiment. Très bonne défense. Il devrait se lancer dans une carrière d’avocat, tiens. Il défendrait les serial killers avec cette simple phrase. Bravo. Il en a d’autres, des conneries pareilles ? “Je pourrais passer l'éponge si la prochaine fois tu me proposes de le faire avec toi. Pas en tant que Spider-Man bien sûr, mais Peter Parker.” Hein heiiin. Monsieur veut s’essayer au tag ? Lui qui a toujours été si sérieux et sage. Lui qui est toujours resté dans les rangs. Enfin, qui restait. C’est de l’histoire ancienne, maintenant qu’il fait la misère aux criminels. “Peter Parker qui tague des murs ? Impossible ! Et puis, je ne voudrais pas que ta tante m’accuse d’avoir une mauvaise influence sur toi. Surtout que nous savons tous les deux que c’est toi qui te bats le plus.” Ils pourraient faire le compte. En fait, il n’y a même pas besoin. Il suffit de lire tous les articles qui parlent de Spider-Man.

Et puis, il est hors de question que Max le traîne là-dedans. Il ne veut pas être responsable de son mauvais comportement. Il s’occupe religieusement de garder sa soeur sur le droit chemin. Ce n’est pas pour détourner Peter de son destin glorieux. Naaaah. BON OKAY. Ca va. Il joue la comédie. Il se fait désirer. Mais après tout, Peter lui a laissé utiliser ses toiles. Max peut bien le laisser utiliser ses… bombes de peinture. Okay, ça fait moins glorieux et impressionnant, mais quand même ! C’est un luxe de toucher les bombes de peinture que le Grand, le Génial, le Fantastique Max Powell a touchées. “Puisque tu fais partie des Avengers, tu connais bien Stark, non ? Tu crois qu’il accepterait qu’on vienne… redécorer son building ?” Juste de la décoration. Ca part à l’eau. Promis. Bon, non, pas promis du tout. Mais imaginez Peter qui glisse le long de la façade et qui se colle ici ou là pour taguer ? Ils pourraient créer un énorme tag. Tout le monde le verrait. Il n’y a pas mieux pour faire passer un message. Un énorme panneau publicitaire gratuit. “Le tag, c’est le seul truc que j’ai trouvé pour défendre les droits des mutants et compagnie. J’peux rien faire d’autre. Pas de super-pouvoir, pas de super-diplôme. Que dalle. L’avantage, c’est que je ne risque pas grand chose. A part me faire arrêter par Spider-Man, évidemment.” Il ressent le besoin d’expliquer, de justifier. Certains voient un gars qui a mal tourné et qui souhaite dépasser les interdits en taguant des murs. D’autres pensent qu’il a des besoins créatifs à assouvir. Ils auraient tous tort. Il a seulement besoin d’agir à son échelle. Petite. Très petite échelle. Il ignore si ça change quelque chose, si il parvient à toucher les jeunes du Bronx, si il parvient à modifier le regard des gens sur les mutants. Après tout, il ne va pas se balader dans la rue pour faire un sondage. Il a autre chose à faire. Genre… rien. En fait, il n’a rien d’autre à faire.

Putain, triste de vie. Il en est réduit à s’occuper en taguant illégalement les murs du Bronx. Bon okay, il pourrait être encore pire en volant des choses. A moins qu’il  ne se la joue Robin des Bois, en distribuant les richesses aux plus pauvres. Mouais. Il n’en est pas encore là. “C’est pas comme si j’avais d’autre choix, de toute manière. Mais je suis sûr que toi, tu arrives à faire des études, tout en combattant le crime !” Après tout, Peter avait bien réussi quand ils étaient au lycée. Sans éveiller les soupçons. Il peut tout à fait s’en sortir de la même manière, à la fac. Et si Peter lui dit qu’il a arrêté les études après l'école, Max le frappe. Sérieux ! Ce mec est un cerveau sur pattes. Il n’a pas intérêt à avoir gâché ses compétences, en jouant les araignées acrobates. Attention ! Papa Max va botter des fesses, si c’est le cas !

Il reconnaît bien Peter. Le mec intelligent qui sait être au bon endroit, au bon moment, qui sait se démarquer et se faire remarquer par les meilleurs. Les Avengers, bordel. Peter ne se fout pas de sa gueule. Il aurait pu rejoindre les X-Men ou même Deadpool. Ca n’aurait pas été grand-chose. Mais les Avengers ! Ils sont tellement badass… Et vous avez vu les moyens qu’ils ont ? Spider-Man va être dorloté chez eux ! “Tu sais même pas la meilleure, c'est que je me suis fait désirer ! Ils m'ont proposé de les rejoindre, mais j'ai jamais vraiment répondu jusqu'à aujourd'hui. La preuve que je leur étais indispensable !” Max lève les yeux au ciel. En fait, si, Peter a changé. Il est devenu une véritable diva qui se fait désirer ! Vous croyez qu’il a demandé une loge privée, avec baignoire remplie de champagne ? Ou alors, il a demandé des serviettes douces pour ne pas qu’elles lui grattent les fesses ? Peter Parker, Spiderman. Et maintenant, Peter Parker, vraie diva. Qu’est-ce que sera la suite ? Ce mec a beaucoup changé depuis le lycée. Beaucoup trop. Mais si il peut se permettre de faire poireauter les Avengers, c’est qu’il est l’un des meilleurs, non ? Alors, autant en profiter !

D’ailleurs, la prochaine fois qu’on lui propose un poste quelque part, il pourrait intégrer ses potes dans l’affaire. Ben quoi ? Autant profiter des opportunités qu’il a ! Faut savoir sauter sur les occasions quand elles se présentent. Après tout, Max ne serait pas contre un poste de… d’assistant de Spider-Man. Ca existe, ça, au moins ? Il passerait du cirage sur le costume, il le dépoussièrerait et enlèverait les toiles d’araignée du costume (hahahaha… quoi ? ce n’est pas drôle ?). Il pourrait se rendre utile ! M’enfin, si ils deviennent partners in crime en taguant tous les murs du Bronx, il y aura déjà beaucoup à faire. Surtout, il faut que Max accepte de prendre le risque de mourir. Hm ? Bien sûr que oui ! Si May apprend qu’il embarque Peter dans ses soirées tags, Max ne donne pas cher de sa peau. “Elle n'est pas obligée de savoir et puis elle t'a toujours bien aimé ! Bon, peut-être pas, mais elle ne t'a jamais détesté non plus.” Ah ben voilà ! Peter veut encore mentir à sa pauvre tantounette ! Et en plus, il essaye de lui faire croire qu’elle l’apprécie. Genre ! Quel adulte normalement constitué aimerait le gamin qui se bagarre et qui sèche les cours ? Personne ! Encore moins un adulte aussi protecteur que May.  “Mouais, en tout cas, j’suis sûr qu’elle pense toujours que c’est moi qui ai provoqué l’explosion en cours de chimie !” Lycée. Cours de chimie. Mélange de deux liquides dans une fiole. Peter qui dit maîtriser ce qu'il fait. De la mousse qui commence à monter. Max qui essaye de remettre la mousse dans la fiole. Mousse qui provoque une chouette petite explosion. Ses tympans s’en souviennent encore.

Cela dit, il est prêt à prendre le risque, si le building de Stark est en jeu. Bon, okay, c’est un très gros projet. Et il ne verra sûrement jamais le jour. Non, mais vous imaginez ? Comment Max trouvera assez de bombes pour recouvrir ce truc immense ? Et ça prendrait des jours ! “Tu parles, il attends que ça ouais !  Il faut carrément mettre cette idée en oeuvre Max, ça serait le coup du siècle.” Il éclate de rire. Le coup du siècle, oui. Peut-être pas tout de suite. Peter est sûrement soumis à un truc du genre période d’essai. Il ne faudrait pas tenter les Avengers de le virer, alors qu’il n’a pas encore fait ses preuves dans l’équipe, non ? Allez, on va attendre un peu. Juste un peu. Une semaine, c’est suffisant ? Nooon, rappelle-toi, Max, tu ne le feras pas. Trop gros. Trop long. Trop tout. Mec, c’est un projet hors de ta portée. Et puis, il ne veut pas être celui qui a entraîné Peter là-dedans. Naaaah. Il a une certaine responsabilité envers ce mec. Puis, vous imaginez si Spider-Man dessine mal ? Le tag ne ressemblerait à rien. Ce serait raté et ridicule. Et raté. Et ridicule. Et raté. Et… bon, on a compris. N’empêche, Peter a bien changé. Spider-Man l’a bien changé. Les Avengers aussi. Frôler la mort doit aider à vouloir se détendre et faire des conneries. Uniquement pour décompresser. Pas juste pour le plaisir personnel, voyons.

“C'est-à-dire que…” C’est à dire que quoi ? Les yeux de Max se plissent. Il attend. Il ne veut surtout pas l’entendre dire qu’il a arrêté les études. Peter Parker ne peut pas arrêter les études. Pas lui. Ce serait le signe qu’il a raté quelque chose. Que Max arrête l’école, ça passe. Il n’a aucun talent, il ne fait pas avancer les choses. Il n’est qu’une merde parmi tant d’autres. Mais Peter ! Il peut faire de grandes choses, même sans son costume. “J'étudie dans une fac de science, mais franchement, c'est loin d'être facile de faire les deux à la fois. Et je préférerais largement faire de tags pour protéger les mutants, au moins ça aider à faire avancer les choses.” Aaaah, ben voilà ! Même si le mec envie Max. Attendez, où est la logique ? Max aurait adoré avoir le cerveau de Peter et suivre les mêmes études, plutôt que de taguer dans la rue, en toute illégalité. Peter est un vrai crétin ! Faut que les criminels arrêtent de viser sa tête parce qu’il ne dit que des conneries. Il a dû perdre deux-trois neurones dans ses combats. “Bordel, Peter ! Tu es un super-héros, tu aides déjà. Les études, c’est bien pour ta couverture, tout ça. Et quand tu seras vieux, en déambulateur, tu pourras faire d'incroyables découvertes qui sauveront l'humanité. Mais là, tout de suite, maintenant, tu rends les rues plus sûres et tu aides.” Si Peter continue à avoir ce genre de propos, Max va commencer à s’inquiéter. Tiens, il devrait lui proposer de porter un casque. Il va envoyer un mail aux Avengers pour les prévenir. “Le petit Spider-Man a perdu la tête”, ce sera l’objet du mail. Non mais sérieux ! Peter ne s’entend pas quand il dit des choses pareilles. Entre taguer des murs toute sa vie et avoir les moyens de suivre des études et d’avoir une vraie carrière, qu’est-ce que vous choisissez ?

Il y a des fois, comme ça, où Max a bien envie de lui foutre une claque. Juste pour le réveiller, enfin. Pas par pur sadisme. Cela dit, ça défoule. Il ne va s'en cacher. Mais c’est Peter. Il ne peut pas se défouler dessus. Parce qu’avec ses foutus réflexes, il est capable d’éviter le coup. Salaud. “Tu sais, si je te confectionnais un costume, tu pourrais être un héros toi aussi. T'en as toutes les qualités et il ne suffit pas d'avoir des pouvoirs. Regarde Mons... Iron Man. Bon, oui c'est un génie, mais toi aussi à ta façon.” Ses bras se croisent sur son torse. Il dévisage Peter, sceptique. Un costume. Pas besoin d’avoir de pouvoirs. Un génie à sa façon. Mouais. Permettez-lui d’en douter. Costume ou pas, il serait inutile. Il n'a pas l'entraînement, les réflexes, la force nécessaires. “Sois réaliste, Peter, j’me ferais écraser par ton Hulk en trois secondes ! Je ne peux rien sans pouvoirs, à moins d’avoir une des armures d‘Iron Man… ce qui n’arrivera JAMAIS. Et j’ai ma soeur.” Il ne peut pas mourir, la laisser seule avec leur mère, la laisser abandonner ses études pour gagner sa vie. Il ne peut pas lui faire ça. Il a une responsabilité envers elle. De toute manière, la question ne se pose pas. Il n’est pas un super-héros. Il n’a pas les compétences pour. Il doit juste se contenter de son quotidien et essayer de donner la meilleure vie à sa frangine. Ce qui est déjà une bonne mission, non ?

Il n’a pas envie de se prendre la tête avec Peter. Ils viennent se recroiser après plusieurs mois sans se donner de nouvelles. Ce n’est pas le moment. Il sait que son ami est plein de bonnes intentions. Il sait que Peter lui propose cela pour le réconforter et pour lui montrer qu’il peut faire des choses. Alors, cela ne vaut pas la peine de lui en vouloir, de lui expliquer sa manière de penser. De toute manière, actuellement, Peter semble préoccupé par autre chose. “Max, je suis content de t'avoir revu ! Malheureusement, le devoir m'appelle.” Aaaah, c’est donc ça que ressentent tous les proches des super-héros. Une conversation intéressante, interrompue par une urgence. Ou comment voir son rencard s’évaporer pour un rien. Même pas une question de salade coincée entre les dents ou de postillon intempestif. Non, juste une urgence. C’est frustrant, vous ne trouvez pas ? “T’es pas obligé de...” PUTAIN ! Peter abuse. Il a encore mis ses sales pattes sur lui, quoi ! Cette proximité est vraiment trop… proche. “On aura jamais été aussi proches qu'aujourd'hui mon pote, n'y prends pas goût trop vite.” A qui la faute, mon pote ? C’est Peter qui n’arrête pas de se coller à lui ! Max, lui, il subit. Il ne demande rien. Absolument rien. Il aurait pu se débrouiller pour redescendre par ses propres moyens. Il avait d’ailleurs repéré les bordures au bord des fenêtres et un escalier de secours. Ca aurait fait l’affaire, bon sang. Il va faire des cauchemars. Oh que oui. Il va rêver que Spider-Man l’attrape en plein vol et l’embrasse fougueusement. Génial. Et dire que c’est un pote. Bon sang. “Arrête, c’est toi qui passes ton temps à serrer les gens que tu croises !” Max aussi connaît l’excuse du “faut que je te sauve, c’est pour ça que je te fonce dessus et que je te plaque contre moi”. Alors, il n’est pas dupe ! La prochaine fois, il essayera d’éviter Peter la Sangsue. Mission acceptée. Il va y arriver.

Au moins, il retrouve le sol sous ses pieds. Et plutôt rapidement. En fait, Max commencerait presque à prendre goût à ce moyen de transport. Le genre qui va vite, qui ne rencontre pas de retard et qui ne supporte pas les embouteillages. Et avouons-le, si il avait dû escalader l’immeuble, il aurait mis plus de temps. Faut le reconnaître. Il s’écarte de Peter pour lisser sa magnifique veste en jean. Qui commence à être usée, d’ailleurs. Et y a un bout de toile, là. Tssss ! Peter bave partout, c’est insupportable ! “Comme promis, la prochaine fois, on s'attaque à la tour Stark !” Ben voyons ! Max attend de voir ça. Ils ont mis des années avant de se revoir, ils vont sûrement mettre autant de temps avant de se recroiser. D’ici là, Peter aura pondu des oeufs et il aura eu six bébés-araignées. Il n’aura plus le temps de penser aux tags. En plus, il doit terminer ses études. Naaaaah. Il n’y aura jamais de tag sur la tour Stark. “Mais oui, bien sûr ! Et après, on fera l’Empire State Building.” Il fait dans la raillerie. Pourtant, il a un sourire heureux sur les lèvres. Putain, qu’est-ce que ça fait du bien de revoir un ami d’enfance. Un ami d’enfance qui s’avère être Spider-Man… Le monde tourne vraiment pas rond ! Max pivote vers son tag pour découvrir… une araignée formée par des toiles.

Putain ! Le gars n’a aucune gêne ! Tu vas voir comment il va te l’attaquer avec son balai, la prochaine fois qu’ils se verront. Max se retourne vers Peter, mais il est déjà en train de prendre de la hauteur. Ca n’empêche pas Max de hurler ce qu’il pense. “Espèce d’araignée chauve ! On gâche pas mon oeuvre d’art ! Délinquant !” Il observe son ami se faufiler à travers les buildings avec une aisance incroyable. Il a toujours son sourire sur les lèvres. C'était une bonne soirée. Très bonne soirée. Quand Spider-Man disparaît de son champ de vision, Max admire de nouveau son tag inachevé. Il lui faudra encore un peu de temps avant de le terminer, mais il y a quelque chose de plus dans celui-ci. La marque de Spider-Man. Celle de son pote. C’est beau, putain. Il va verser sa petite larme. Attendez, qu’est-ce qui vibre dans sa poche arrière ? Son téléphone. Un appel. De sa soeur. Bon, il laisse les larmes pour plus tard. Sinon, il va se faire trucider par sa soeur. Et autant vous dire qu'après ça, il ne pourra plus jamais taguer. Allez, faut y aller !